Ecrans et tout-petits : reportage

15/12/17

Fixes ou nomades, les écrans ont envahi nos vies et celles de nos enfants. Cela se traduit par une moyenne de 10 écrans par famille et par deux heures vingt-deux minutes quotidiennes d'écrans chez les 4-6 ans. Autant de temps confisqué à d'autres activités ludiques et au sommeil, essentiels au développement des tout-petits.

Le saviez-vous ? En France, depuis 2014, la tablette numérique pour enfants est le cadeau le plus vendu. Et ces objets « ludoéducatifs » qui trustent les catalogues de Noël s’adressent aux enfants dès… 18 mois. « Sauf qu’avec les écrans il manque l’expérience globale avec le monde réel, déclare Véronique Poitou, médecin de PMI au Département de Loire-Atlantique. Le toucher, l’odeur, la manipulation sont aussi importants que la vue et le son pour qu’un enfant expérimente le monde qui l’entoure et intègre peu à peu ses différents aspects. »

Faire fonctionner tous ses sens

Cubes, boules, anneaux, livres, en carton, en bois, en plastique, en tissu, en laine… les jouets et leurs variétés de formes, de sons, de matières offrent en effet à l’enfant une multitude de sensations qui alimentent son catalogue intérieur, sa capacité à comprendre son environnement dans toute sa complexité. Ces jeux doivent évoluer avec l’enfant, devenant plus subtils quand il grandit, mais ils sont suffisants, notamment entre la naissance et 3 ans, pour son développement psychomoteur. Autre critique des écrans, valable aussi pour les plus grands, la dette de sommeil : « La lumière bleue inhibe la production de l’hormone du sommeil. Excité, l’enfant s’endort plus tard. Pourtant, le sommeil est un élément indispensable à son développement cérébral et à la consolidation des informations acquises pendant l’éveil. » Enfin, le manque d’interaction avec l’adulte est également pointé par Véronique Poitou. « Les écrans servent souvent à occuper les petits pendant que les parents s’affairent à autre chose. Mais dans leurs expérimentations, les jeunes enfants ont besoin du décodage des parents, qui accompagnent leur parole d’un geste, d’un regard, d’une expression de visage significatifs. » Seul face à une tablette et ses programmes, mêmes ludo-éducatifs, l’enfant va manquer de ce décodage humain qui fait sens et lui permet d’avancer dans ses apprentissages.

Quand l’écran fait écran

« Avec ou sans écran, le manque d’interaction entre les parents et leurs bébés ou jeunes enfants pose problème, complète le docteur Françoise Dupont, responsable
du Centre nantais de la parentalité. L’enfant se construit notamment dans le regard de ses parents. Or les écrans coupent beaucoup ces échanges fondamentaux. Aujourd’hui, on voit des parents qui parlent au téléphone ou ont le regard rivé sur leur smartphone tandis que leur bébé en poussette cherche un regard où s’adosser. » Préoccupée par l’invasion des écrans, elle s’en inquiète particulièrement pour les familles où des négligences émotionnelles sont constatées dès le plus jeune âge. « On voit des enfants s’éteindre sous nos yeux : ils ne nous regardent pas quand on les appelle, ne parlent pas, ne jouent pas ! Mais sont avides du smartphone que papa ou maman leur met dans les mains. »

"Une heure d’écran tactile retarde de vingt minutes le temps d’endormissement"
Véronique Poitou, médecin de PMI au Département de Loire-Atlantique


"Depuis quelques années, la problématique des écrans devient un enjeu de santé publique. En Loire-Atlantique, nous l’avons explicitement intégrée dans les axes de prévention auprès des enfants de moins de 3 ans de notre dernier plan Enfance familles. Le service de PMI passe le message tant auprès des parents que des assistantes maternelles et nos professionnels peuvent conseiller ou orienter les parents qui se sentiraient démunis face à cette problématique. »
Fabienne Padovani, Vice-présidente en charge de l'enfance et des familles