La parole à Sabine Duflo, l'experte du dossier

15/12/17

La psycho-clinicienne et thérapeute familiale Sabine Duflo a accepté de répondre à nos questions.

Sabine Duflo Sabine Duflo

Psycho-clinicienne et thérapeute familiale, membre du Collectif Surexposition écrans (CoSE) qui souhaite en faire un enjeu de santé publique. Elle prépare un ouvrage publié en mars aux éditions Solar.

Quels signes vous ont alertée sur les écrans ?

Depuis une dizaine d’années, des collègues et moi-même avons constaté que la majorité des troubles pour lesquels nous étions consultés étaient des troubles de l’attention. La littérature scientifique anglo-saxonne, bien avancée sur la question, a confirmé ce que nous pressentions, à travers nos échanges avec les parents : multipliés dans les foyers, les écrans étaient de plus en plus utilisés par les petits et tout-petits, parfois jusqu’à quatre, cinq, six, sept heures par jour, en temps cumulé.

En quoi est-ce un problème ?

Tout d’abord, l’écran fait écran, empêche les relations avec les parents et la fratrie. Moins d’échanges entraîne des retards de langage, un repli sur soi et, dans les cas extrêmes, une absence de la pensée. Autre dommage, le manque de manipulation et d’observation du monde réel freine le développement de l’intelligence des sens et du déplacement. Le bombardement de stimulations visuelles et auditives des écrans entrave également le développement de l’attention volontaire, de la concentration. Avec des écrans en continu dès le berceau, l’enfant obtient des satisfactions immédiates sans passer par la réflexion et l’observation. Fixer volontairement son attention sur des objets statiques n’est plus
possible pour lui.

Avez-vous des solutions ?

Il faut passer de l’emprise des écrans à leur maîtrise. Nous, parents, devons être acteurs de ce changement. C’est parfois difficile, car beaucoup d’adultes sont eux-mêmes dans l’addiction. Mais leur système cognitif est mature, ce qui n’est pas le cas des enfants. Je propose déjà de mettre en place des règles assez simples que j’ai appelées « 4 “pas’’ pour mieux avancer » (cf page 29). Réduire les temps d’écran peut donner des résultats très rapides sur le comportement et l’attention. Mais pour que tous les parents soient informés, il faut une politique de prévention nationale. Avec plusieurs praticiens, nous avons créé CoSE dans le but de faire reconnaître la surexposition aux écrans comme enjeu de santé publique. Nous pensons que cela éviterait beaucoup de retards et de troubles constatés aujourd’hui chez des enfants, sans compter le désarroi des parents et le coût croissant des prises en charge.

Prévention : ce qui se fait en France

Dès 2008, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a décidé d’interdire les programmes télé destinés aux moins de 3 ans, lorsque des chaînes anglo-saxonnes dédiées aux bébés ont cherché à s’installer en France. Le Programme national nutrition santé 2011-2015 prône un évitement total avant l’âge de 2 ans, puis à moins d’une heure par jour entre 2 et 5 ans. Il n’existe pas encore de politique de prévention à l’échelle nationale.